Je passais cette nuit de torture, à souffrir du colon, et, je pense, de boissons trop technologiques ; puis je bus un peu de Volubilis, espérant que le liquide très naturel me ferait l’effet que me firent jadis un mauzac roux de Plageoles, un Chinon de Spelty et un Bordeaux de Tire-Pé, chez Jean-Yves Delhoume à Toulouse.
Le liquide agit un petit peu, mais je ne dormais pas, la douleur se concentrait progressivement vers le bout du colon, puis tout se défit comme par enchantement, et j’entendais une musique très volubile de Bach : Mi fa mi ré do si do ré mi do fa sol fa mi ré mi fa ré sol la sol fa mi ré do si do ré do si sol ;
Puis, mon esprit partit loin, très loin, pensant aux malheurs du monde, cette guerre civile mondiale qui menace, le spectre de l’Europe fasciste qui revient, la résistance dans laquelle nous allons devoir rentrer obligatoirement, les morts, les douleurs, les pleurs, les déchirures, tout ça pour rien, parce que la haine a à nouveau envahi le monde.
Et d’un seul coup, j’ai pensé à John Lennon…Give peace a chance, Imagine there’s no country, the world would be as one, les bed-ins pour la paix…
Je voyais Lennon en réincarnation de Jésus, et je me dis d’un seul coup qu’il avait peut-être vraiment raison, quand il disait que les Beatles étaient plus populaires que le Christ…Je le voyais en réincarnation de Jésus, et avais l’envie de créer une nouvelle religion qui serait basée sur ses textes…Et soudain monta I am the walrus…
Un magma monstrueux de sens tordus, totalement adéquat au monde d’aujourd’hui, ou tout va dans tous les sens…Et I am the Walrus faisait écran à Stawberry fields, qui apparut juste derrière,
Living with eyes closed is easy, misunderstanding all you see, it’s getting hard to be someone but it’s all wrong, it doesn’t matter much to me : le monde est illusion, la société est un leurre, mieux vaut l’être personnel…Let me take you down were I’m going to, Strawberry Fields, nothing is real, and nothing to get hung about…La fin du sens, Strawberry fields for ever, poussières nous reviendrons à la poussière, seul le vegétal restera. Avec sa couleur rouge étonnante.
Alors d’un seul coup, alors que j’allais me laisser prendre par le désespoir de mon idole, c’est Thom Yorke qui se fit entendre, Lotus flower,
comme un double positif, ouvert sur l’infini, du Strawberry fields for ever, refermé vers le sol et le néant.
Jésus, Lennon, Yorke…J’avais ma trilogie…